LiveReport : Lomepal + Fixpen Sill au Zénith de Strasbourg

1000° dans le ZénithOn avait plus connu une soirée aussi bouillante au Zénith Europe depuis bien des mois. 2019 démarre fort, merci Lomepal « évidemment ».

On est allé voir ce que donnait la version 2019 du phénomène Lomepal sur scène à l’occasion de la date Strasbourgeoise du J Tour (J pour Jeannine, le nom de son dernier album en date) et on a pas été déçu !

L’une des révélations Hip-Hop françaises de 2017 suite à la mise en lumière de Flip (double disque de platine mine de rien) n’arrête décidément plus son petit road-trip et peut se targuer après une tournée des SMAC Sold-Out en 2018 de récidiver en cette nouvelle année en remplissant les Zéniths de nos plus grandes villes de provinces. Ce vendredi soir pluvieux, c’est donc une fosse à sa pleine capacité qui s’annonce et ce sont des milliers de jeunes gens entrain de se sécher qui se massent petit à petit, plusieurs minutes avant, devant les barrières pour être au plus proche du phénomène. Si les gradins ne sont pas tout à fait comble, on doit frôler les 9000 âmes dans le Zénith encore timide en ce début d’année et qui n’attends que de belles dates comme celle de ce soir.

20h00 frappe, tout ce petit monde est à l’heure et déjà en place ou presque. Les lumières s’éteignent et c’est au tour du duo Fixpen Still qui tient en laisse la première partie et à qui il incombe la tâche parfois ingrate de réchauffer le public. Pas de miro-onde ce soir ni de serviettes chaudes, c’est un parterre déjà volcanique qui accueille le groupe sous les cris et les flash crépitants d’Iphones. La douche dehors était froide, l’intérieur sera sauna, les esprits seront sonnés.

Fixpen Sill

Finistère A.M.E.R. Keroue et Vidji ne sont pas non plus des petits nouveaux et à la vue du nombre de smartphones sortis des poches, dès les premières chansons du duo Quimpérois, nul doute que l’audience savait déjà à quoi s’attendre pour cette première partie. Voyageant avec Lomepal sur les dates du  J Tour en ce début d’année, les deux trentenaires font bien évidemment partie de la Clique d’Antoine depuis un bail et on peut encore repérer les premiers freestyle des garçons avec Antoine au tout début de la décennies 2010′ sur Youtube.  Ils répondent aux codes stylistiques de la soirée, au mood et aux références Genius. Un choix plus que logique donc pour une première partie et une motivation supplémentaire pour certains à faire les kilomètres qui les séparent du Zénith, un bonus legit.

10 piges après leur rencontre et aujourd’hui basé sur Paris, les deux compères délivrent d’entrée un jus bien concentré de Beats modernes et un flow largement inspiré des 90’s, époque bénie du Hip-Hop désormais « Old-School », styles vocaux mais aussi vestimentaires en corrélation. En trame de fond, l’envie de revivre une sainte époque sous de nouveaux codes. Sans être parodier l’atmosphère aussi spleenienne d’Antoine, le duo esquive le parterre et les mots et fait mouche.

Edelweiss a beau avoir déjà deux ans dans les rotules, la formule fonctionne toujours et les lyrics semblent encore être encrés dans les têtes-blondes. Aïe Aïe Aïe en featuring sur la galette avec JeanJeass et Caballero résonne. Sans doute le titre qui rencontrera le plus de succès lors de ce set. Keroue et son compère accumule les allers-retours le long de cette scène recroquevillée, encore coupée en deux par des rideaux noirs qui disparaîtront plus tard pour dévoiler la scénographie complète de la tête d’affiche de ce soir.

7/8 titres s’enchaînent rapidement, et le duo accumule les passements de jambes et de micros sur chaque côté de de la scène du Zenith qui commence à accumuler la sueur, fosse comprise, à la limite de la vague qui déborde. 30 minutes sont passés et le duo laisse place dans un tourbillon de sons et lumières à une foule toujours aussi bruyante et qui en aurait bien pris pour une demi-heure supplémentaire. Après eux le déluge, pendant, la tempête.

30 petites minutes plus tard, une discussion des plus sympathiques avec la Sécurité au qui-vive mais tout sourire (l’équipe enchainera les « portés » dans le fosse afin d’extirper bon nombre de jeunes femmes à la limite du malaise). Les lights s’éteignent et le discret beat de 1000° commence à se faire entendre…

Lomepal

Petit récap’, « Jeannine » paru en fin d’année dernière est dédié à la grand-mère schizophrène de Lomepal. Sans être un album concept ou totalement orienté sur cette thématique, c’est un fil rouge qui parsème sa dernière production et qui l’accompagne, un vrai cadre musical. Antoine Valentinelli le dit lui-même, il va même encore plus loin dans le processus thérapeutique cette fois-ci , dans l’intimité qui le lie avec chaque piste de cet album à deu exceptions près (les délires X-Men et La Vérité). Pourquoi payer une thérapie quand vous pouvez vous livrer chaque soir devant des milliers de spectateurs et retranscrire vos émotions en textes ? Une sincérité poignante et une prise de risque qui avait déjà fait la force et le succès de « Flip« , son premier opus. Évoquant sans ambiguïtés et sans hontes ses problèmes du quotidien, familiaux, sentimentaux. Un flot de mots et de maux amalgamés dans un océan plat (une mer donc) de références populaires qui en ont fait un succès critique et bien entendu, populaire. Tournée blindée en témoignage.

Ce soir là, l’audience du Zenith est largement rajeunie, ils sont venus de toute l’Alsace et même de plus loin pour voir un artiste qui sont pour beaucoup proche, voir semblable. Presque un pote finalement. Et on va préciser que c’est un public largement féminisé qui y apparait. Une mention importante puisqu’il est appréciable de voir nos « autres salles » obscures (mais aussi les festivals) mieux communiquer sur ces statistiques positives, rassurantes plutôt. Un véritable nouveau vecteur, à défaut de pouvoir le considérer comme « nouveau public ». La vérité, c’est qu’en France, il se passe des choses dans les fosses de spectacles et même de belles choses ! De nouveaux spectateurs, de nouveaux genres pour une meilleure ouverture culturelle.

Une tendance nationale et que les Salles de Musiques Actuelles ont parfaitement compris (à défaut de l’avoir anticipé totalement) puisque celles-ci programment depuis deux ans environ, de plus en plus de soirées à plateaux/artistes Rap Français et même « Urbain » au sens large du terme. Un genre historiquement assez boudé des salles et même des festivals généralistes à de rares exemples près. Et ceux qui ont fait changé les choses, ce sont bien entendu des Orelsan et plus récemment des Vald, Romeo Elvis et l’homme de ce soir, Lomepal, qui ont assuré des jauges remplies sur l’ensemble des dates de leur tournée. Une garantie billeterie et succès sans failles comme aujourd’hui peu d’artistes peuvent se targuer. Mais c’est aussi au sens plus large, un Booba qu’on voit programmer aux Eurockéennes. Des prises de risques initiales qui se terminent en de beaux investissements et qui font des émules. Faisant accepter certaines figures de listes du style à l’image publique pas toujours très clean, d’être accepté dans les lignes de programmation et dont la qualité scénique fut confirmée via quelques programmateurs qu’on qualifié d’essayistes alors qu’ils n’étaient que de simples mélomanes et faisaient… leur taff.

X-men pour Génération Y

Sans tomber dans la « Beatle-Mania aiguë », Lomepal déchaîne les foules et on l’interpelle aussi bien de son nom de scène que de son vrai prénom. Un pote on vous dit ! Une proximité réelle et voulue avec son public de par ses textes, une apparence street qui est crédible puisque personnelle avec ses codes et bien entendu ceux du monde du Skate. La passion première d’Antoine qu’il partage encore et amène avec lui sur sa tournée et ses disques. Une composante intime de son adolescence particulière et les failles de cette tranche d’âge. Failles d’une période bâtarde ou l’on ne se sent finalement ni comme un adulte, avec le poids des responsabilité de la vie et ni comme un adolescent, avec ce besoin de liberté et d’aimer sans concessions.

Lomepal est un jeune-homme qui se pose les bonnes questions au bon moment et fait l’écho d’une génération. Sans tourner dans un vulgaire ego-trip à l’américaine, il revendique la folie sans en faire un fond de commerce. Il l’assume et la kick’ en positivisme. A l’instar d’Orelsan nous parlant de ses fêtes de famille, Antoine assume cette partie instable de son être et relate son histoire familiale complexe à travers une broderie d’anecdotes toutes plus « zinzins » les unes-que les autres. « Est-ce que vous êtes prêts à devenir Zinzin sur le prochain morceau ?! » hurle t-il.

Antoine se pose donc en digne successeur du Trône de folie, mettant en avant la démence comme une forme moderne d’exorcisme. Il est ce soir une sorte porte logotée Supreme ou Thrasher et chaque spectateur dispose de sa clé, artéfact du relâchement qui l’autorise à se détacher de son corps et de ses problèmes le temps d’une soirée. La foule compacte est réceptive ne s’en privera pas.
Mais, de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités, et ça, l’homme le mentionne aussi en évoquant ses déboires personnels, ses usages et coutumes qui le rongent et qui font corps dans cette dimension éphémère et destructive. Ainsi, les thématiques des pistes ne sont pas toujours des plus funs mais Lomepal et c’est là sa force, réussi à bercer son audience dans une sorte de Spleen flottant, entre le chant et le rap, oscillant tantôt entre l’apnée acide et les envolées aériennes roses pâles.
Le son parlons-en, dans la salle celui-ci est agréablement bon et le mix est excellent. Mieux mise en valeur que sur la dernière tournée, la voix de Lomepal semble encore avoir gagné en modulation. Le Zenith résonne et la basse n’est pas omniprésente non plus, on regrettera par moment les Kicks électroniques légèrement trop criards. En fin de set, c’est la guitare noyée dans le chorus qui sembla poser problèmes aux équipes techniques. Ingénieurs sons + Lights qui à la vue des t-shirts, semblent avoir travaillés sur d’autres grosses tournée du genre, Orelsan ou Iam. De la grosse pointure et ça se sens,l’équipe en profitera pour s’ambiancer avec le public ce soir là sans pression. On est là sur du Pro techniquement ! Lomepal et son crew ont franchi une étape.

Côté Scénographie, il y’a eu là aussi du beau level-up depuis la dernière tournée. Si elle reprends les bases et le World Logo amovible au dessus de la scène, Lomepal a troqué son ancien Ledge de skater pour une succession pyramidales incorporant des rails. La scène est immense et permettra à lui et son pote Yassine une belle verticalité. Plus carré, un important LightShow accompagne son set avec une belle gradation des couleurs primaires. Le set est parfaitement calibré pour une tournée des Zénith. Mieux, celui-ci se permet même d’installer sur la fin de concerts une petite section « Lounge » sur le bas côté, avec lumières plus tamisées afin d’interpréter trois titres en mode plus « intimiste » avec clavier, batterie et guitare. Un set dans le set !

La politique à eu son double de Mélenchon, Coachella à fait revivre Tupac, Lomepal se permet de faire venir jouer avec lui en hologramme son pote JeanJass sur scène pour un featuring 2.0 sur X-Men assez bluffant vu de la fosse. Puis une tête géante d’Orelsan en hauteur de scène sur La Vérité qui nous laissera avec un Aurélien malicieux nous trollant sur le titre.

La vraie révélation du soir est que Lomepal chante, et chante même bien. Lui qui ne se qualifiait pas comme tel il y a encore quelques années est entrain de mettre un pied dans la glace et un pied dans les flammes.Volonté flagrante qui apparait sur le titre Trop Beau, l’un des singles de ce nouvel album. Accompagné ici d’un piano toujours puissant, une voix puissante et rocailleuse qui ne fléchira pas. A l’instar de pas mal de ses confrères, Antoine maîtrise son souffle et à clairement bossé dur pour en arriver là. Il a eu sa place dans le Rap français, il vise désormais une belle place dans la chanson française au sens large.

Avec ses inséparables acolytes Pierrick Devin et Yassine Stein (dont il tease brièvement au passage par ailleurs, la sortie d’un album solo pour cette année) Lomepal sillonne sa pyramide et harangue la foule pour la poussée à son bout. Parfois seul avec son DJ, accompagné de l’un ou de l’autre voir de Fixpen Sill sur quelques morceaux. Il ne restera jamais seul sur scène bien qu’il ai les moyens de l’occuper. La foule ne sa calme décidément et Lomepal en profite pour faire retomber les pulsations de son audience pour à l’occasion d’un petit break musical sur 3 chansons avec ses musiciens dans un mode plus intimiste. Il se permettra même un petit bain de foule sur Le Vrai Moi en faisant un petit tour jusque dans les gradins devant la régie. Difficile de louper le vrai Antoine ce soir là tant il donna physiquement.

Le premier rappel sonne et l’on comprend que l’on est sur la fin du set, Lomepal délivre une superbe interprétation plus timorée certes mais toujours poignante de Yeux disent et une version appuyée par le puissant piano de Trop Beau qui est le titre bien évidemment le plus chanté de son set et celui collant à son actualité musicale. On aurait pu s’arrêter là et le taff était déjà bien fait pour le jeune homme.

Après cette chevauchée finale et sous une trombe d’applaudissements, Lomepal quitte en toute quiétude la scène, son honnête besogne accomplie avec brio. Il en profitera pour féliciter encore une fois son public de « Zinzins » strabourgeois qui n’a « pas menti à sa réputation ». Les samedis soirs il y’a un chaudron vert du côté de Saint-Etienne et à Strasbourg, certains soirs, il y a un chaudron Orange. C’était le cas vendredi et c’était grave chaud !

« Evidemment » c’était top

A force de poursuivre le soleil comme sa grand-mère, l’ombre derrière Lomepal s’aggrandie et son public aussi, le forçant lui-même à la confession et à mettre en lumière ses propres démons. L’un des fer de lance du genre, il transperce avec une facilité déconcertante le gazon maudit de ce qu’on appelle à tord le « Rap de Iencli » et s’entiche d’une ouverture scénique impressionnante. Lui même le dit, il aime chanter et aperçois déjà après quelques années les limites du tout-au-rap. Citant volontiers Julian Casablancas des Strokes pour la voix on comprends bien le délire sur scène. Antoine a définitivement un timbre et une puissance scénique qui lui permettrai de jouer dans ce registre. Plus mélodique, encore plus spleenien, ce deuxième album et cette tournée nous semblent être la fenêtre ouverte pour le jeune rappeur parisien à de nouveaux horizons ou son live band prends de l’ampleur et ou l’on le place autour de claviers smooth à souhait, de reverbs chatoyantes et d’un chorus bien rond. Tu le vois venir le délire à la Mac Demarco sur un prochain album ? Nous oui et on à hâte de voir la prochaine mue de Lomepal. Un concert qui laissait quelques doutes quand à son environnement et la capacité du bonhomme à se positionner comme showman de taille presque sur-humaine. Le pari est réussi et Lomepal est plus qu’un simple rappeur qu’on va voir sur scène, désormais star de la musique en France et capable (fait rare) de délivrer un show calibré « Spectacle » tout en garant une honnêteté artistique entière et à garder une véritable connexion avec des milliers de personnes. A voir sans modération et à retrouver cet été sur les grosses scène de nos festivals français.

D’ici là, c’est miel verveine en prévision ce samedi matin…

La setlist complète de la soirée

  1. 1000 degrés (intro)
  2. Club
  3. Mômes
  4. Lucy
  5. X-Men
  6. Plus de larmes
  7. Bécane
  8. Beau la folie
  9. Évidemment
  10. La vérité
  11. Oyasumi
  12. Danse (acoustique)
  13. Le vrai moi
  14. Tout lâcher
  15. Malaise
  16. Pommade
  17. Ma cousin

    1er Rappel

  18. Yeux disent
  19. Trop beau

    2ème Rappel

  20. 1000 degrés
  21. Outro

Du côté de la Setlist, on notera la sélection de pas moins de 11 tracks pour l’album Jeannine qui est donc joué au 3/4. 7 pistes sont issues de son premier album Flip, qui laisse logiquement un peu de place dans le set à son successeur. Pas de surprises donc, on pourra cependant pointer l’absence des classiques Palpal ou de Ray Liotta mais on apprécie la présence marquante de Tout lâcher issue des sessions Live, Colors. Pas grand chose à reprocher à cette Setlist qui reprends bien entendu l’essentiel des tubes et la quintessence de Jeannine , J Tour oblige ! En toute objectivité la Setlist la plus quali’ à ce jour de Lomepal.

Retrouver Lomepal sur cette tournée

Lomepal sera par ailleurs à nouveau en France cet été à Art Rock (Saint Brieuc 09/06), au Main Square (Arras 06/07), aux Francofolies (La Rochelle 12/07), au Festival de Nîmes (Nîmes 13/07), et Aux Escales de Saint-Nazaire (le 27/07). D’autres dates devraient se greffer à la tournée estivale d’ici là…