Belle ambiance pour la dernière soirée du NJP mais aussi beaucoup d’humanité et de solidarité avec un monde en crise auquel les musiciens, chacun à leur façon, ont tenté d’apporter un message d’espoir.
En intro Songhoy Blues : Un blues électrique nourri de musiques traditionnelles
Leur histoire est intimement liée à l’actualité : originaires du Nord-Mali, les quatre musiciens se côtoyaient quelquefois du coté de Tombouctou. En 2012, lorsque les islamistes ont envahi leur région avec leur haine de la musique, ils se sont réfugiés à Bamako, la capitale, où leur statut de déplacés les a rapprochés.
Tout est alors allé très vite. Après avoir écumé les cabarets de Bamako, ils enregistrent un album et commencent à donner des concerts en Europe. Avec une musique inspirée des mélodies traditionnelles mais revisitée sauce blues électrique voire franchement rock, le quatuor a vite enflammé le chapiteau.
Les déhanchements d’Allou, le chanteur ont ravi les fans, un peu lents à se bouger mais qui ont fini par se mettre à la danse aussi. Et l’ambiance est vite montée avec ce mélange de rythmes entre le groove du rock et le chaloupement africain. De vrais bons riffs de guitare sur des thèmes shongoy, rien de tel pour faire grimper le thermomètre d’un NJP prêt à tous les voyages. Et à vibrer à toutes les émotions lorsque le groupe rend hommage à Ali Fakra Traouré, l’incontournable grand bluesman de Niafouké.
Repose en paix, Ali, la jeunesse malienne est dans la place !
Yuri Buenavantura : la salsa du cœur
Débarquant sur scène, tel un ludion survolté au milieu de son big band estampillé Amérique du Sud, Yuri Buenavantura dégage une énergie impressionnante. Virevoltant, courant d’un musicien à l’autre, mimant chaque instrument, il emporte le public avec lui dès les premières mesures.
Avec beaucoup de liberté et de complicité, les morceaux enchaînent les solos de ses douze musiciens et le chant dans des aller-retours éclatants. Et lorsqu’il veut apprendre la salsa en 40 secondes aux nancéiens, 3000 paires de pieds se mettent à bouger en mesure. Il réussit même à faire lever les spectateurs assis sur les gradins, ce qui au NJP n’est pas un mince exploit !
De plus ce prof-là est aussi un homme au grand cœur qui invite sur scène son pote Tchavolo Schmitt, le guitariste manouche. Et qui sait aussi être grave lorsqu’il évoque un Syrien qui marche à Calais pour nous convaincre que l’on a tous le rythme ou lorsqu’il chante pour les otages colombiens. Avant d’élever le chapiteau vers les étoiles avec sa superbe reprise de « Ne me quitte pas ».
Sans aucun doute, le flamboyant Yuri, est un homme au « Corazon » gros comme ça et le public ne s’y pas trompé en lui faisant un triomphe.
Marcus Miller : voyage aux sources du rythme
Avec son dernier opus Afrodeezia, Marcus Miller a décidé de rendre hommage aux origines des grandes musiques noires. Armé de ses guitares basses, il a offert un superbe récital en final du NJP 2015. Sans effets de manche, ni artifices mais avec une géniale maitrise qui fait passer pour évidente la présence de la guitare basse au centre de la scène, elle qui est d’habitude réduite à jouer les utilités. L’ancien complice de Miles Davis, tout comme son percussionniste, ont rendu hommage au Maître à plusieurs reprises et particulièrement lors du rappel, pour le plus grand bonheur d’un public ravi de voir ressurgir le spectre d’une des immenses pointures ayant marqué l’histoire du NJP.
Transformer quelque chose d’horrible comme l’esclavage en quelque chose de positif comme la musique
Émotion aussi lorsque Marcus Miller évoque l’île de Goré qui servait de lieu de départ de la traite négrière au Sénégal et qui lui a inspiré Afrodeezia. Avec son chapeau noir et rond et sa silhouette d’adolescent, le bassiste et ses complices ont su éblouir un public connaisseur et convaincre que la Musique peut tous nous rendre meilleurs.
L’édition 2015 du Nancy Jazz Pulsations a tiré le rideau de fin sur une grande soirée au chapiteau en faisant la part belle à la musique du Monde. Ambiance roots avec en final un Marcus Miller qui de Miles Davis à l’île de Goré a transporté le public aux sources du rythme.