On s’est laissé tenté en ce mois de juin à traverser la frontière vers l’Est. Passer le temps d’un petit weekend du côté de nos voisins allemand pour tester un festival indépendant qui commence à se faire une très bonne réputation sur la scène européenne indé, loins du tumultes du gigantisme actuelle des festivals généralistes.
À tout juste 1h30 de route de Strasbourg et pas loin de 2h00 de Metz, on vous propose aujourd’hui de découvrir le Maifeld Derby. Festival indépendant allemand à taille humaine et à la programmation rafraîchissante qui n’a eu de cesse d’étoffer sa proposition aux fils des ans depuis sa première édition en 2011.
Nostalgique du Tinals (This Is Not A Love Song) ou à la recherche d’un mini Primavera à la sauce germanique ? Le Maifeld Derby pourrait bien répondre à vos attentes ! Une jauge réduite, une programmation internationale et riche en artistes indie et underground ? Que demandez-vous de plus ?
Côté historique de programmation et histoire de donner le ton des festivités sonores, le Maifeld a déjà accueilli par le passé des groupes comme St.Vincent, The National, Pond, Future Island, Mogwai, Thee Oh Sees, Flume, Dinosaure Jr.,Moderat, Slowdive, Metronomy, Temples, Editors, Eels, Neurosis, Parcels, King Gizzard … De bien beaux noms prouvant des choix de programmations résolument tournés autour du Rock Indé, mais qui ne saurait dire non à quelques pépites de la scène Pop, Electronique, Métal, et même Hip-Hop !
Alors que l’on arrive doucement sur le site, le soleil de milieu d’après-midi cogne comme jamais et les premiers spectateurs de la journée se massent devant la scène pour trouver l’ombre et admirer le set des Anglaises de Lime Garden. On fait un premier repérage des lieux, le site est propre, et les gens ont l’air plutôt chill ! Une ambiance détendue est de mise. Entre les familles venues passer un petit week-end et les aficionados de musiques indé’, on est dans le jus « Route du Rock » Made In Bade Wurtemberg ! Le site suffisamment grand, prend place autour d’un hippodrome. Fait amusant, une partie des loges prennent place au cœur des écuries !
Côté concerts, le festival accueillera sur ces trois jours près de 60 groupes et artistes via 4 scènes. Le festival semble accueillir en moyenne une jauge à 5000 spectateurs par jour. La Palastzelt, la plus grande scène nichée sous une tente de cirque, accueille avec la scène de l’Open Air, le plus gros du lot du public en alternance (la jauge est identique.). Tandis que les petites scènes du Parcours d’Amour (scène posée juste au pied la piste hippique) et de la Hüttenzelt (petite scène couverte) feront office de scène plus intimiste et le théâtre de jeux des découvertes et pépites de demain.
La Programmation de ce samedi
Phoenix / Loyle Carner / Warpaint / Viagra Boys / Noga Erez / PVA / Sinkane / Pisse / Caroline Rose / Leya / The Haunted Youth / Sorcha Richardson / Ditz / Lime Garden / Deki Alem / Sophia Blenda / Hope / Rolf Blumig / Das Sterben
Lime Garden
Groupe découvert il y a quelques années pour notre part à l’occasion d’une soirée Rock Anglais au Printemps de Bourges. On avait gardé un bon souvenir de la prestation des Lime Garden. Ce jeune groupe est un quatuor Rock mid-tempo assez Lo-fi dans son ADN. Les girls de Brighton sont un petit bonbon pas trop acide qui renvoi vers une saveur madeleine de Proust, le genre anglais que l’on connaît bien. Idéal pour démarrer une après-midi beaucoup trop chaude pour se lancer dans des pogos, mais idéal justement pour la digestion.
Entre des passages revisités façon Pulp ou Talking-Head 2.0, difficile d’être à fond sur un set d’après-midi ou les yeux se plissent sous l’avalanche d’UV. On apprécie le Rock posé de Lime et la voix suave au timbre so British et les riffs suffisamment lent pour suivre le rythme à une heure de chauffe. Simple mais efficace.
Caroline Rose
On avait laissé l’Américaine Caroline Rose il y a quelques années en pleine crise existentielle après un premier album plus électrique et toute de rouge vêtu à l’occasion de la tournée « Loner » . Justement à l’occasion d’un passage au Tinals (RIP beau festival). En 2023, Caro’ troque le look chaperon rouge 2.0 pour un look plus slacker, guitare acoustique en main et live-band plus étoffé.
Plus mature, plus audacieuse, la jeune chanteuse ne semble pourtant pas avoir trouvé la baguette magique pour sortir du lot après un 4e disque au titre dangereux. « The Art of forgetting » malheureusement lui aussi oubliable. On est pourtant devant un set qui sonne. Les tracks introspectives de la new-yorkaise s’enchaînent, on retrouve cette pop léchée et poignante, entrecoupée de riffs de guitares bien sentis et de claviers mielleux.
Mention à l’impeccable groupe qui accompagne l’artiste, on a cependant eu du mal à ressortir un ou deux titres de ce set trop homogène et qui manquait justement de highlights, dans le son comme dans la scénographie trop lisse. Et aux accents moins satiriques qu’auparavant. On perd en intensité et en fun dans cette recherche interminable d’une intimité. Difficile exercice en festival encore une fois. Un juste-milieu est à trouver encore pour cette artiste qu’on aime pourtant bien !
Sinkane
Multiculturel, tel pourrait être le bon mot pour décrire la musique de Sinkane. Ahmed Gallab, alias Sinkane est un musicien d’origine soudanaise qui est né à Londres mais qui a grandi à Khartoum avant d’émigrer à l’âge de six ans États-Unis. Déménageur international, cette vie remuante se retrouve sur scène à travers ses musiciens d’origines diverses. Potion inclassable et bariolée de Funk, de Pop, de Rock, de Blues et d’Electro aussi bien occidentale qu’Africaine. Sinkane propose toujours du son, du sourire et réinvente son propre monde sous les pieds et à travers ses mains ou ceux des autres qui peuvent l’inspirer.
La wah crépite, la basse est ronde, les claviers piques et vindiou que ses choristes sont bon et souriants. On avait besoin de ça pour retrouver l’énergie manquante, un set solaire pour un horaire épuisant. Merci Sinkane and friends !
Noga Erez
Sous le chapiteau, peut-être le concert dont on attendait le plus sur cette journée. On avait loupé les derniers sets de la chanteuse israélienne. Si notre avis sur la galette était dans le vert, on se questionnait encore sur la capacité de l’artiste de tenir à elle seule, une large sur une heure de concert…
Premier constat, Noga Erez est évidemment toujours reconnaissable de par son gabarit, et bonne nouvelle. Elle n’est pas venue seule. Accompagnée de deux musiciens, on est sur un format live band avec très peu de PBO. On retrouve avec elle son partenaire à la vie comme à la scène, Ori Rousso ainsi qu’un autre musicien aux claviers. Un rôle de soutien important dans la vie de la productrice et une part aussi du succès de KIDS, son dernier album acclamé par la critique.
Sur scène, toute de noir vêtu et en mode urbain, Noga évolue seule de part en part de la scène entre phases chantées et rappées. Derrière elle, des productions trap s’entremêlent de pistes plus Pop. Un set qui arrive à mixer une certaine sensualité, des lyrics intimistes comme plus politique à travers une performance brûlante sous une lumière vive teintée de vert.
Déjà star dans son pays, la songwriteuse militante confirme son immense talent et justifie amplement l’attractivité globale d’une scène israélienne encore méconnue de par chez nous. La diablerie est sacrément efficace, on en voulait encore pour notre argent !
Viagra Boys
Des cowboys pas fringuant. Une leader en néo-égérie pour Marshall Headphones, un humour corrosif, des dégaines pas possibles et des textes meta-burlesques. Viagra Boys est un groupe de Post-Punk suédois qui avait tout de la blague de potes sur le papier. Mais au bout de 3 albums, les gentils tatoués et patrons de la ShrimpTech Corp sont devenus un vrai phénomène mondial. Il y a du Stooges, du Nick Cave et des influences Jazz à souhait dans les dernières productions des boys.
On retrouve sur ce set les singles de CaveWorld et bien évidemment les tubes de l’excellent premier album avec Sport ou Slow Learner. Devant le logo Ying-Yang à la « VB », le groupe sous l’impulsion d’un Bryan Murphy déchainé qui arbore fièrement son bidon, ses tatouages et son goût prononcé pour la Lager sur scène. Un patchwork de l’impossible côté look pour le reste du groupe, VB serait finalement de la « World Music for Punk Rock Looser » ? ». On se marre, on pogotte et on savoure ce sazophone qui hurle dans le mix.
Viagra Boys prouvent qu’ils sont l’un des piliers actuels d’une génération Post-Punk, sans se prendre au sérieux le moins du monde, tout en délivrant la salsa, le rock dans un état de fêtes mais qui n’oublie pas de délivrer entre quelques conneries bien pensées, des engagements moraux et politiques attendus.
Loyle Carner
Deux salles, deux ambiances. On revient à la réalité du monde IRL pour aller voir le show de l’anglais Loyle Carner, la jeune sensation qui même le Rap, la Soul et le Jazz à travers une voix suave et des textes inspirants depuis quelques années. Un des hommes forts de la terrible Albion à date.
Serviette autour du cou, casquette visé sur la tête, Loyle enchaîne les titres et les explications de textes dans la langue de Shakespear entre chaque track. Pas farouche, celui-ci prends du temps pour son public et pour expliquer son œuvre, son groupe, sa musique. Éloigné volontairement des mouvements Drill UK, l’homme a su se forger une solide réputation scénique ainsi que valider ses galettes dans les charts comme par les critiques du milieu.
Quelle classe. Loyle et son live band composé d’un guitariste, d’une bassiste, d’un batteur et pianiste semblent pouvoir jouer légit’ sur tous les tableaux. On retrouvera dans le set les morceaux,You Don’t Know, Damselfly, Blood On My Nikes,Georgetown ou encore, Angel. Une piste enregistré pour son fils. Loyle semble avoir ce besoin viscéral d’expression, d’introspection à travers la scène. Le moment est suspendu et le public homogène, le set est intimiste et l’on en ressortira pas indemne.
WarPaint
Mais qui voilà ? Peut-être le groupe le plus programmé du festival depuis ses débuts ?
Habituées du Maifeld, les musiciennes de Warpaint sont une valeur sûr de programmateurs. On les retrouve sur l’Open Air ce soir dans la pénombre, ambiance feutrée pour un énième set ultra classe dont seules les Américaines, qui célèbrent bientôt leurs vingt ans d’existences déjà, savent le faire.
De retour sur les planches après des années d’absences à l’occasion d’une tournée en support de l’album Radiate Like This paru en mai 2022, on retrouve la patte Warpaint avec des harmonies vocales maîtrisées et des phases mélodiques uniques parsemées de guitares envoûtantes. Sans avoir à se regarder le quatuor arrive à faire exister quelque chose de tangible sur scène. Une quintessence de Rock Indé qui se marie bien dans la moiteur estival ici à Mannheim.
Phoenix
On se dirige sous la tente désormais noire de monde pour finir la soirée en beauté avec nos petits Versaillais de Phoenix. En pleine tournée pour la promotion de Alpha Zulu, dernier album paru. Nous ne sommes pas surpris de voir le quintet enchaîner les tracks de ce dernier album sur scène donc.
Disons-le d’emblée. Phoenix est un des groupes les plus propres et classes en Live. Une qualité scénique presque audiophile, couplée à un show millimétré. Loin de venir les mains vides au Maifeld, les Français ont ramené leur écran géant réservé aux « gros shows » et nous ont fait profité des nouvelles vidéos mises en scène pour les singles du dernier album. Du neuf donc pour les habitués.
« It’s time for ze Boule à Facettes »
Particularité du Maifeld, le groupe profitera de la boule à facettes géante accrochée au sommet de la toile du chapiteau de cirque à leur avantage pour déployer un light-show ultra chaleureux qui agrémentera les titres plus caliente de l’album de Ti Amo, paru en 2017.
Bien que porté par une scénographie impeccable et une aura type « Arena Rock » grâce à la présence du batteur ultra punchy, Thomas Hedlund (Cult Of Lunda), qui donne ce peps supplémentaire au quatuor. On a quand même trouvé un petit creux de la vague dans cette belle setlist, notamment en milieu de set sur les nouveaux titres de Zulu et ceux plus discrets de Ti Amo. Des pistes moins connues du grand public.
Comme à son habitude, Thomas Mars se permettra un petit bain de foule micro en main sur le dernier titre et en boucle tout en remerciant encore chaleureusement son public. Une énième claque certes, mais pas la meilleure set-list du groupe à date.
La Setlist du Concert :
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Lisztomania
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Entertainment
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Lasso
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Too Young
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Girlfriend
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J-Boy
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Alpha Zulu
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After Midnight
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Armistice
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Winter Solstice
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Identical
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Tonight
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Rome
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Love Like a Sunset Part I
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Love Like a Sunset Part II
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Long Distance Call
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If I Ever Feel Better
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Funky Squaredance
Rappel – -
Everything Is Everything
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Trying to Be Cool
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1901
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Identical (Reprise)