LiveReport : Une première édition réussie pour le Infamous Festival

On vous en avez parlé il y a quelques mois, à l’occasion de la 15e année (déjà) d’existence du Zénith de Strasbourg. La Salle XXL, un incontournable du paysage musicale Alsacien redécouvre en ce mois de Mai, le temps d’une soirée, ce que ça fait d’accueillir un festival de musique. La chose n’était plus arrivée depuis la dernière édition compliquée du Festival des Artefacts il y a plus de 5 ans déjà ! C’est dire que nous attendions la venue du Infamous Festival et sa brochette d’artistes Topliners de la scène Rap actuelle le samedi 13 mai.

Sans être une véritable innovation, à l’instar de ce que nous avions pu voir pour les festivals Hop Hop Hop et Chorus et sans aller dans le gigantisme organisationnel d’un festival Hip/Hop sur plusieurs jours comme les Ardentes en Belgique ou l’Open Air Frauenfeld, pouvant se targuer à eux deux du titre officieux de « Hellfest du Rap » en Europe. On ici affaire à un bel évènement de taille « humaine » et une programmation de passion, de niche, et donc à risque !

Les équipes de Seeyousoon déjà acteur majeur de la scène urbaine dans le l’Est & Les Productions de Label LN, eux aussi promoteurs habituels de bon nombres d’évènements dans le réseau des Zénith notamment. Ces deux forces de frappe se sont alliés pour proposer ce Mégazord maîtrisé de la scène urbaine et créer un premier GROS festival Rap indoor dans notre capitale européenne le temps d’une soirée de printemps.

Alors que la Drill, la Trap trônent toujours au sommet des charts. Que des sous-genres émergent chaque semaine après la mise en lumière d’obscures mixtapes D.I.Y. et que d’autres se Binge-Watch les premiers épisodes de la saison 2 de « La Nouvelle Ecole » sur Netflix en repensant à la Parodie du PalmaShow avec le J. et le S. Nul doute, la scène rap actuelle française a investi plus que l’industrie musicale, mais bien la culture populaire depuis quelques années. Et le peuple il est ou ? Et bien en concert mon grand !

On n’était pas trop dans le mood ‘Eurovision cette année, donc a décidé d’y faire un tour.

On décortique tout ça ?

-x- Infamous : Urban Cultures & Beyond -x-

« Un projet aussi risqué que maîtrisé »

Le Zénith de Strasbourg garde en effet une réputation de salle « compliquée » à faire vivre en dehors des gros événements populaires, des salons et surtout hors programmation de têtes d’affiche Mainstream, nationales comme internationales. On a vu un certain nombre de concerts annulé, se voir limiter en jauge spectateur et des communications parfois hasardeuses. A Strasbourg disons-le, nous avons un problème de taille, celui de la capacité d’accueil du public dans nos salles de musiques. Entre le Zénith et les autres, un gouffre conséquent question jauge, qui empêche parfois certaines productions d’intervenir, de se positionner faute de coûts trop élevés ou de rentabilité attendue tout simplement neutre voir négative…

Cette situation d’entre-deux fait aussi écho aux récentes annonces de la rénovation de la Laiterie (historique SMAC de Strasbourg qu’on aime d’amour) mais qui étouffe régulièrement en jauge public, bien en dessous des 1000 spectateurs par soir sans sa Grande Salle. Quand les autres Salles de Musiques Actuelles de métropoles similaires sont plus récentes (moins de jus et d’âme, on vous dira aussi), mais se targuent de pouvoir accueillir entre 1000 et 2000 pelés chaque soirée. Et là, ça pose un petit problème pour les groupes/artistes capable de remplir aisément 2000 places et qui ne peuvent assurer un show dans des quasi-Arena, de par les coûts de production en solo, ou tout simplement par manque de spectateurs attendus…

L’équipe de SeeYouSoon, basée justement sur Strasbourg, a semble t-il parfaitement su intégrer cette problématique géographique ainsi la demande réelle qui existe pour ces concerts « entre-deux », et l’ont appliqué à un genre musical spécifique. Un genre qu’ils maitrisaient déjà par la production de concerts à taille plus réduites, mais mainstream et donc Zénithable ! L’équation était bonne dès le départ. Fallait-il en avoir les moyens et le « cojones » !

Créée en 2021 par Sébastien Binder, déjà bien connu dans la région puisque lui même acteur depuis près de 20 ans dans l’évènementiel. SYSN (pour les intimes) se spécialise depuis sa création dans l’organisation de concerts, mais aussi dans du conseil en évènementiel et de la mise en réseaux. Quand on analyse leurs récentes productions, sans être spécialiste mono-genre et même si des concerts Pop, Rock et Métal ont été organisés par le passé. SYSN propose majoritairement des projets orientés Rap, Hip-Hop notamment visibles dans la programmation de la Maison Bleue sur Strasbourg qui a par ailleurs accueilli quelques concerts Sold-Out en Before du festival avec notamment le truculent B.B Jacques dont on vous conseille de poser une oreilles sur les prod’.

Après ce beau CV, à la vue du réseau et de l’historique SYSN. On était franchement déjà assez confiant quant à la tenue et au standing de l’événement. La pratique donnera raison à la théorie.

-x-Gonzy-x-

DJ, danseur, compositeur ou et rappeur, Gonzy est un inspecteur gadget 2.0 qui semble capable de tout faire. Le gagnant régional du concours Buzz Booster France 2023 a eu la chance mais aussi la lourde tâche d’ouvrir le bal du soir au Zénith devant un parterre encore clairsemé. Sans être forcément bloqué dans l’ère du temps, on ressent bien l’influence Hip-Hop plus Old-School chez le jeune homme que le reste des artistes de la soirée. Pas venu pour faire de la figuration, celui-ci était d’ailleurs présent avec une veste customisée et lumineuse qu’il utilisera pour lancer des notes en midi pour accompagner ses instrus.

Loin de se stresser, Gonzy nous fera aussi part de son amour pour la danse et n’hésitera pas à occuper la scène du Zénith de long en large durant des phases de breaks. Le natif de Reims ne nous fait pas mentir et semble porter haut son titre et justifier sa place ce soir. Rappelant parfois le Wu-Tang, parfois du Denzel Curry pour l’approche plus moderne dans ses phrasés en anglais, Danny Brown de loin. Celui-ci n’hésite pas à switcher vers la langue française selon l’opportunité d’une instru’ ou des propos. Une très bonne surprise !

-x-Chilla-x-

Seule femme de ce plateau et celle qui avait finalement beaucoup à prouver à certains, c’est bien Chilla. Bien encrée depuis quelques années dans la scène rap, mais touchant du bout de plusieurs doigts sur certains titres le chanson française dans son âme la plus pure. De par les collaborations sur son dernier album « Ego » (Louane, Sofiane Pamart pour exemple). Pourtant celle-ci n’oublie pas le turn-up et fera monter la température sur scène avec des titres comme « Tesla » ou « Pas de limite », n’oubliant pas que quelques milliers de spectateurs debout, ça s’entretient !

Un rap forcément différent de ses collègues masculins à l’affiche et peut-être deux fois plus de choses à prouver aux yeux de certains. On a apprécié le set varié de la jeune femme et surtout ses deux musiciens qui l’accompagnaient. On mentionnera la très bonne sonorisation et l’égalisation des HPs du Zénith pour les différents set d’ailleurs, ainsi qu’un Light Show bien calibré faisant oublier le manque de back-drop ou d’éléments scéniques, notamment dans le set de Chilla. Du « Propre » !

-x-Gazo-x-

La majorité des spectateurs étaient là ce soir pour les deux têtes d’affiche, à savoir Josman Et Gazo, vous n’en doutiez pas. Des millions de streams sur les plateformes, des boucles d’écoutes amplifiées par TikTok et d’éventuels memes savoureux. Il n’en fallait pas moins pour rameuter « plus » que de simples fans ou mélomanes, quelques curieux aussi ou potes rameutés à la soirée. Les deux hommes fort de la scène actuelle ne sont venus pas là pour faire de la figuration ou assurer le service minimum. On est bien ici dans un show taillé pour un Zénith, pas un showcase à l’arrache en boîte. L’un venu avec son set-up et écran géant, bidon de fumée et l’autre avec un écran encore plus large et une dentition animée parsemé évidemment d’un Grillz qui se mettra à bouger en rythme des paroles.

Gazo et sa voix éraillée cumule les featurings à succès comme les punchlines marquantes. Leader dans les charts de la vague drill française. Il bénéficie déjà d’une set-list costaud bardée de tubes imparables et déjà parfaitement connue du public. Sans laisser de place au hasard, Gazo embarque tout avec un charisme notable et occupera la scène du Zénith sans problème le long de son set, se préoccupant très souvent de son audience, qu’il sait jeune. Il n’hésitera pas à intervenir et solliciter son audience et la calmer quand il le faudra. Une épreuve de passage réussie pour celui qui détient le Grillz le plus diamanté du Drill français à ce jour.

-x-Food Corner-x-

Comme très souvent (on mettra ça aussi sous le couvert de l’âge des festivaliers) c’est le food-truck de burger qui a été pris d’assaut. On a donc constaté de longues queue entre les grilles et le bâtiment du Zénith dont l’extérieur et surtout la peinture commence à tirer la tronche il faut l’avouer. Une attente conséquente qui n’est pas due au manque de propositions culinaires, loin de là ! Mais plus au manque d’envie de découvertes des spectateurs. Le panneau « Gazo mange ici » on aura fait chavirer plus d’un(e).

On avait pourtant droit à quelques belles propositions en cuisine du monde. Mention coup de cœur pour notre petit Japonais. Le Onuma Ya tout à gauche du site et sa cuisine maison et la patience de ses hôtes.

Le Hoplà Brésil et ses superbes plateaux maisons en auront peut-être découragé plus d’un à la lecture des prix plateaux pourtant généreux. Une offre à revoir peut-être ? A côté, des Arancinis, un Bar à Spaetzle pour le local, des glaces et crêpes pour les petites-faims. Et évidemment des plats et desserts Végan pour contenter tout le monde.

Des prix plus élevés évidemment qu’à l’habitude pour ces food-truck en semaine classique, mais on s’y retrouve dans la moyenne de ce qui est proposée actuellement dans les festivals. La proposition culinaire riche et variée est donc pleinement réussie ici de par la sélection de food-trucks aux petits-oignons.

Seul risque identifié : Pas de possibilités cependant pour les restaurateurs de se positionner dans l’enceinte même du Zénith.  En cas de pluie, le flux de spectateurs risque d’être largement compromis. Et même si ceux-ci peuvent se réfugier à l’intérieur du Zénith, boisson et plat en main, ça risque d’être compliqué pour ces commerçants. Heureusement, cette première édition a pu profiter d’un temps idéal.

« Open-Mic ou le Silence »

Oscillant entre le divertissant, le très sympa et le bide, micro en main pour certains mais toujours avec le smile. L’Open-Mic annoncé, disposait de sa propre  scène, n’a pas rencontré tant de succès que ça de notre point de vue. Alors qu’elle semblait parfaitement maîtrisée par les équipes avec des spectateurs jouant bien le jeu et s’amusant de leurs performances respectives. On peut dire bravo aux équipes de HipHop From Elsass pour la tenue de l’animation qui aura définitivement mis une bonne ambiance dans ces travées bétonnées.

A côté, quelques stands (customisation de sneakers, préventions…) étaient bien présent mais rien d’aussi intéressant et structuré. Il est en effet toujours difficile de faire « vivre » ce zénith et de proposer des animations en dehors de concerts. Sans cette petite scène vivante, on se rend compte que les allées du Zénith auraient était bien calme le long de la soirée. Une animation à reprogrammer !

« Merch’ pas peur »

On a fait le tour des stands, de la nourriture sur le site, il reste un autre gros site de dépense bien connu des festivaliers en règle générale. Le stand de Merchandising !

Pour cette édition, si l’organisation avait bien prévu des affiches et surtout des t-shirt collectors bien désignés et qui se sont vendus à la pelle jusqu’au sold-out à peine 20 h 00 passé ! Nous avons été étonnés de voir si peux, pour ne pas dire aucun merchandising d’artistes présents ce soir-là.

Pas de disques, pas de vinyles (alors OK, la plupart des auditeurs sont, semblent-ils basés sur les plateformes de streaming) mais pourquoi cette scène Rap actuelle ne propose t-elle pas plus de textile ? Seul quelqu’un de l’équipe de Gazo viendra déballer une mallette en fin de soirée, juste avant le concert de la tête d’affiche alors que tous les fans sont justement déjà en train de patienter depuis un bail devant la scène et n’auront qu’une envie après le show de repartir après le concert. Pas le meilleure moment pour sortir la mallette remplie de… chaussettes logotée, c’est un minimum mais on aura vu plus sexy.

Si l’organisation a joué le jeu et a vu son initiative récompensée par un succès dans les ventes. On s’interroge de notre côté sur ce manque de propositions. Pour contre-exemple, notre rédaction sera dans les semaines à venir dans un autre festival « de niche », le Levitation à Angers (autre style, autre ambiance certes) mais ou le Merchandising est omniprésent et dispose d’un espace dédié et sert la « marque » festival. Celui-ci faisant partie intégrante d’un univers, une plus-value aussi pour la communication aussi. Et les artistes de la scène psyché’/Rock l’ont parfaitement compris. On est en compagnie devant un public comme pour la scène Métal, de « fidèles » qui souhaitent à priori aussi ramener un « bout » de l’évènement avec eux, plus qu’un simple snap’ ou une vidéo Tiktok maison. Mystère !

« On fait le Bilan, calmement… »

In fine, cette première édition réussit le pari de faire venir entre 4000 et 5000 spectateurs dans un Zénith en plein questionnement après 15 ans d’existence et quelques périodes fortes et d’autres moins glorieuses.

On s’y attendait, notre rédaction n’a pas l’âge des auditeurs mais plutôt celle des régisseurs et techos’. On s’est quand même pris un sacré coup de vieux dans la fosse et l’on se rend bien compte que la moyenne d’âge ne sera pas la même pour le concert de 50 Cents dans ce même Zénith en fin d’année. Pourquoi ne pas éventuellement proposer quelques artistes hors scène actuelle, avec déjà quelques bagages, quelques rides et tenter d’attirer plus large en spectateurs ? Mais, faire cohabiter paisiblement et surtout artistiquement un plateau rassemblant le public d’Iam ou d’Oxmo Puccino pour exemple, et celui de Gazo ou Zola est-il une bonne idée ? Pas certains non plus…

Côté ambiance, passé 20h00, la fosse s’est élargie et l’on s’étonne a voir ce parterre du Zénith se remplir petit à petit. Le Rap imposant cette proximité de vigueur à l’image de la scène Punk. Pourtant ce soir, hormis quelques pogos et appels à mosher de la part des têtes d’affiches nous n’avons pas ressenti de l’animosité ou agressivité dans le public. Le service de sécurité assez calme par ailleurs, nous confirmera que l’ambiance était effectivement bonne. On a vu bien plus agité en concert rap ces dernières années et même récemment dans ce même Zénith. De quoi rassurer ceux qui craignent parfois ces évènements de masses et de mouvements. Des places assises en tribunes, sont par ailleurs toujours accessibles.

Force est de constater qu’une partie du publique est venue aussi sur le tard. Même si l’affiche est belle et que les absents ont sans doute eu tord. Ne pas donner chance à Gonzy et son set ultra généreux ainsi qu’à Chilla qui à fait aussi taire quelques bouches ce soir là est un chouilla dommage. Un classique lié aussi aux horaires avancé dès l’après-midi pour ce genre de festival évidemment.

Côté tarif, avec un prix plancher en Early Birds à 40€ et un tarif plein à 49€. On est dans la jauge de ce qui « se pratique » pour un concert au Zénith avec une T.A et une première partie Rap. Pour rappel, Gazo va tourner dans des salles de cette dimension pour 35€ cette année au compte-goutte. Les calculs sont donc bons Kevin, pour moins de cinquante balles, vous avez 5 artistes présent à travers d’un plateau cohérent. Une mutualisation des forces et des moyens qui permets de faire venir pour le prix de deux gros noms en soirée classique, 5 pépites de la scène actuelle. Nous ne sommes pas persuadés que Gazo fasse venir presque 5000 âmes à lui seul au Zénith pour l’instant d’ailleurs. Cette mutualisation est donc un beau levier pour les artistes de performer devant un plus vaste public et d’y prouver quelque-chose. On pense à Gonzy évidemment et cette belle mise en avant, mais on pense aussi aux autres artistes à l’affiche pour qui ce samedi soir a été une première rencontre « IRL » en hors des clips Youtube ou des playlist d’une chambre d’ado’ ou d’étudiant.

Le Infamous Festival a donc permis pour beaucoup de concrétiser une rencontre entre un artiste et son public, n’est-ce pas la même l’essence de l’organisation d’un concert ? Nous, on le pense.

Et quand le plateau est cohérent, que le prix est justifié et que le son est bon, que demander de plus ? Une seconde édition !

« One shot en deux coups »

Ce qui semblait être un « One Shot » cachait en réalité une surprise. Derrière cette première édition, nous avons eu tout de suite le droit à un coup de semonce le lendemain même du festival ! L’organisation annonçant dans la foulée un 2ème rendez-vous cette année. Plus qu’une simple date, le Samedi 21 Octobre 2023, ce sont surtout deux grosses têtes d’affiches et pas des moindres qui sont déjà mises en avant. Ce sont Zola et Dinos qui sont déjà assurés de participer à cette édition automnale ainsi que Kerchak qui vient tout juste d’y être annoncé.

RDV pour la V2 en Octobre alors ?