LiveReport : Impetus Festival / Metz + Arno de Cea & the Clockwork Wizards + tRuckks

METZ est en Franche-Comté, si si !

Première soirée côté français pour l’Impetus version 2018 sur le parquet de La Poudrière à Belfort ce vendredi 27 avril . A la lecture du flyer, un beau design et la promesse d’un croustillant plateau noisy bâti sur les cendres toujours fumantes du monumental Bleach, on aurait presque pu croire à une soirée à thème pour le coupUne programmation de niche donc, curieuse mais surtout méritoire pour le profane qui oserait s’aventurer dans l’expérience exploratoire radicale proposée depuis des années par le festival.

En guise de mise en bouche ou de mise en abyme de la soirée, Laurent Berger est apparu tout à coup sur la petite scène de La Poudrière. Illuminé, l’homme se tient debout devant ses deux énormes cymbales, mailloches à la main pour une douce éruption percussive d’une vingtaine de minutes. Sorte de dialogue cosmique entre lui et ses deux soucoupes métalliques, Laurent propose une envolée tibétaine noise entre finesse et violence. Un voyage bruitiste et stellaire dans l’univers étrange des basses fréquences. C’est un peu la version indé et apocalyptique du Bol Chantant, le genre de prestation qui vous fait trembler les viscères et qui peut potentiellement vous faire perdre la conscience du moment ou vous rebuter au bout de cinq minutes, au choix. Une curiosité qui représente bien le genre de prestation artistique clivante mais déroutante, marque de fabrique du festival proposant une culture qui diffère et fait à débattre.

tRuckks

Ils viennent de Vesoul et sont plus jeunes que le genre Grunge lui même, tRuckks, avec deux K et heureusement pas trois, c’est cette nouvelle génération bourrée de références et qui n’a pas peur de prendre à la légère ses ainés et leurs codes. Comme les Lysistrata, un refus des normes actuelles en mode syndrome de Peter-Punk mais avec en l’espèce, un chant en français. Du straight dans ta face encore adolescent et sans prise de tête. Si les paroles ne sont pas particulièrement notables, cet anti-groupe de lycée résonne de teintes de noirceurs et d’un regard déjà tranché sur la société. Un set propre et maitrisé, quoique plus à l’aise dans les moments noises que les parties « cleans ».

A l’instar des paroles de « Domination », tRuckks sonne comme un 33 tonnes avec un gros sticker « A » collé au cul, fonçant de nuit à toute allure sur une départementale de l’Est, écrasant quelques gibiers et préjugés sur son passage. Carrure d’anges pour du gros son bien épais, on a été étonné de l’aisance scénique de la part des quatre garçons, avec un chanteur qui ne se déboulonne pas le moins du monde et qui se ballade dans la fosse micro en main après quelques chansons comme si celle-ci lui était déjà acquise. Bon, le groupe a pu s’appuyer sur ses copains locaux et un contexte des plus favorables pour son set, mais forcé de constater que la recette simple et couillu fonctionne.  Le son est là, l’énergie aussi, on a hâte de voir ce que le jeune groupe va donner devant un public plus éclectique cet été aux Eurockéennes de Belfort.

Le quatuor citant bien évidemment METZ, la « tête d’affiche » de l’event dans ses références personnelles, on les retrouvera par la suite dans la fosse entrain de s’enjailler les lobes devant le trio canadien plus tard dans la soirée.

Arno De Cea & The Clockwork Wizards

Silver Surfer de la côte d’argent Arno de Cea cumule les projets et c’est ce soir avec son trio en combinaison Clockwork Wizards qu’il déboule pieds au plancher et aux planches. Dès les premières notes on se rappelle en mémoire la prestation hyperactive des Demon Vendetta. Logique après réflexion puisque les deux groupes ont réalisé un split ensemble et surfent sur un genre de niche commun encore discret en France. Si les premiers lorgnent du côté visuel sur un mix entre scène Horror et les Suicidal Tendencies, chez les Clockwork Wizards on est plus sur de la Surf chaotique, ou comme ils l’appellent du Brutal Surf sans inspiration identitaire particulière. Nous on a décidé de breveté notre appellation en « FugaSurf » !

Un bon 3/4 d’heures de houles magmatiques, sorte de Blitzkrieg hawaïenne comme si Dick Dale avait choppé les licks d’Aqua Dementia de Mastodon. Un son classique du genre mais pas le plus propre que l’on ai vu et là n’est pas l’objectif. Relativement fou et distordu, une Jazzmaster, une Reverb à ressort qui pétarade et le tout avec des tempos à frôler l’AVC. Encore une fois le mot clé ici est « efficacité ». Un tabassage auditif constant avec en bonus un jeux de scène d’Arno en mode Parkour. Le mur de La Poudrière se souviendra de la marque de ses chaussures. On aime le surf à petite dose mais on est content de voir ce genre de set format « barre énergétique » dans une soirée hyper-protéinée. Du Surf sympa, un peu fou et qui ne laisse pas le temps au marin d’eaux douces de souffler. METZ est pas encore sur scène que l’on a déjà quelques onces d’acides lactiques dans la nuque et les mollets. Bon signe ça.

METZ

Ils sont Canadiens mais pas Québécois, ils n’aiment pas le hockey mais aiment bien le sirop d’érable, ils sont signés chez Sub-Pop et ont sorti leur dernier album avec Steve Albini à la production (Nirvana, Jesus Lizard, Neurosis, Breeders, Mogwai…), oui METZ sont à Belfort ! Rejetons de Bleach (ouai on abuse de la référence à cet album on sait…) production made In Utero sauce moderne avec un caractère propre détrempé. Le groupe qui collectionne les médailles auprès des critiques et de ses pairs est un trio tourmenté à la poutine et à la rage incarnée dont la réputation sur scène n’est plus à faire.

Aussi charmant en off que violent sur scène, Alex Edkins le chanteur et guitariste du groupe mouille la chemise dès les premiers morceaux et livre un set corrosif. Une prestance remarquable proche de la folie et un engagement total à son noble art. Art qualifiable de « Post-ce que vous voudrez » mais avant tout d’engagement Punk, dont la qualité et l’objectif vont in fine, vous déstructurer gentiment. Derrière les fûts, avec une frappe de colosse et un jeux de main sec et précis qui l’amène souvent à être comparé à Dave Grohl (jeune), Hayden Menzies arrache la moquette derrière son kit pourtant simpliste. Forcé de constater que les différents lives que l’on à pu voir sur le net ne mentent pas, le groupe envoi les décibels.

Moins précis que sur disque (exemple flagrant sur Drained Lake) le groupe gagne cependant en virulence et en force de frappe. On s’en prends encore une fois plein la tête, hausse de température constante, parquet balbutiant et public de convertis touchés en plein coeur qui n’hésite pas à s’entrechoquer les troncs sur les coups de caisse claire et des riffs saturés des canadiens. Chris Slorach sur le côté gauche n’est pas en reste et fait vrombir ses cordes vocales et son inhabituelle basse Gibson accentuant encore l’agressivité des différentes tracks avec son picking puissant et ses back-ups sauvages.

Côté Setlist la part belle est évidemment faite aux matraques du seconds et troisième album, Avec pour Metz IIThe Swimmer en démarrage et Acetate en clôture. Et pour Strange Peace les dingueries que sont Mess Of Wires, Cellophane, Mr. Plague et bien sûr Raw Materials. METZ a l’habitude de tester des choses sur scènes, ses propres morceaux comme d’éventuels nouveaux titres. Ici pas de grosses surprises, la plupart des titres sont connus et se retrouvent mais le trio s’attache toujours à proposer des riffs « alternatifs ». Une sorte de re-lecture d’eux même, histoire de sortir du cadre de ce que l’on peut entendre sur leurs disques et rappeler au commun du mortel que « eh c’est du live et tu vas prendre chéro, on joue pas comme sur ton mp3 compressé coco ! ». On ressort du set avec des maux de têtes qui font du bien, un peu perdu dans cet immensité sonore, le kiff’, la déroute. 

Petite salle, public de connaisseurs, programmation en mode rampe de lancement pour les Canadiens, tous les marqueurs étaient au vert ce soir là pour un set mémorable. Le genre de show à placer sur l’indice Audika entre J.C. Satan et A Place To Bury StrangersIdles et l’Angleterre avaient la rage et les murs en briques, METZ et le Canada ont tout autant la rage mais ont le béton armé, l’âme mélodique en moins, le sac de ciments frais en plus. On ressort lessivé, pas frais du tout mais heureux !

La Poudrière a tremblé, METZ a repoussé les murs et l’Impetus a encore une fois délivré la baffe sonore attendue à travers une programmation qui fait sens et qui fait mouche.