#LIVEREPORT La Route du Rock 2017 : Vendredi 17 Août

Strasbourg-Saint Malo, deux villes touchant les bords du territoire français, deux régions culturelles dotées d’un caractère bien trempé et qui sont bordées chacune par un élément aquatique prépondérant. Mon périple commença par les voies ferrées de Hassan Cehef (dont je n’ai pour une fois pas grand chose à redire, même le wifi semble fonctionner comme il se doit, la belle innovation que voilà !) qui m’ont conduite à bon port, à savoir la gare de Saint-Malo.  Gare de transition, puisqu’une navette et de charmants festivaliers m’attendaient sur le quai afin de prendre avec ma petite personne et tout mon barda, la direction du sud. Cap sur le Fort du Saint-Père à quelques kilomètres routiers de la ville Sainte, plus dans les terres. Après une installation sommaire de ma tente numéro 2 (aka la tente Quechua de la loose, plus vieille que la majorité du public de Vald) dans un recoin ombragé du camping champêtre situé tout juste à quelques centaines de mètres du fort (pas de fumier à l’horizon ni de paysan fourche à la main, me voilà rassuré). J’arrive juste à temps (18h30 pétante) sur le siteet je me bouge la nouille pour aller le voir le premier groupe de la journée, attiré par un pseudo chant de sirènes.

FROTH – Scène des Remparts – 18h30/19h10

Déçu de ne pas être accueilli par Ariel et ayant loupé l’accès Crash Photographe, je me glisse facilement devant la scène pour me poser contre les barrières et admirer le set de ces mecs sans nageoires ni branchies mais se noyant volontairement dans une Reverb enivrante. A une heure d’ouverture, le public est encore peu présent devant la scène des remparts, beaucoup découvre sur le tas, le groupe Froth. Entre Slowdive et Allah Las (présent la veille même à la programmation de la Nouvelle Vague) il existe un fossé sonore, un vaste désert d’opportunités ou les californiens ont pris un lodge depuis quelques années. Connus principalement pour le tube du premier album « Pattern », « Lost my Mind », le groupe n’a eu de cesse que évoluer vers des sonorités plus ambiantes, noisies mais toujours avec un vent pop les rendant accessibles dès la première écoute. Actuellement en Europe  sur quelques dates pour soutenir la promotion de leur 3ème album « Outside (Briefly) ». Le quatuor réussi à contracter un Shoegaze innocent mais efficace, un vent de fraîcheur qui fait fi du caractère pompeux ou solennel que l’on rencontre chez certains groupes du genre. Un set sans surprises mais une excellente mise en bouche avant l’avalanche de superstar Indé de la journée. Une belle succession de titres maîtrisées, frais à une heure ou le soleil se targue de donner des coups sur l’audience conquise.

FOXYGEN – Scène du Fort – 19h15/20h05

Mon seul souvenir de Foxygen en live fut leur prestation nocturne et chaotique devant un public de quelques centaines de curieux à Belfort en 2015. Des flashback d’un groupe et de son leader d’une excentricité totale, des musiciens hyperactifs qui m’avaient totalement perdu avec leurs costumes flashy, leurs 3 danseuses et une section cuivres en freeplay complet sur des morceaux méconnaissables. « Est-ce vraiment eux les Auteurs de San Francisco ? Me suis-je trompé de scène?, « Est-ce j’adore ou je déteste ces mecs ? » Furent mes principales questions à cette époque. Foxygen avait réussi son pari fou de me perdre positivement et de me donner envie de replonger dans leur discographie. Ma curiosité malsaine était donc à son comble avant ce show cette fois ci en après-midi, deux ans plus tard. Etait-ce un soir de folie ou de « je m’en foutisme » totale du groupe devant le peu d’attention de l’audience ou était-ce véritablement le pain quotidien de ces trublions ?

Jonathan Redo le chanteur/pianiste/producteur et son acolyte à paillettes complètement barré, Sam Frances (dont on constatera encore un peu plus l’excentricité en backstage plus tard dans la soirée) arrivent à l’heure avec leurs musicien. On retrouve leur superbe section cuivre. Le talentueux mais discret Jonathan contraste encore plus le temps passant avec le Leader vocal du groupe, Sam qui semble embrassé un période glam

Hong la dernière galette du groupe est une perle et c’est un véritable plaisir d’entendre « Follow The Leader » en live avec cette section cuivre, un de mes albums de l’année. Reprenant les mêmes code de folies que leurs potes de Lemon twigs avec une production un poil plus léchées, Redo and Co délivrent sur la scène une énergie généreuse à défaut d’être précise. On ne retrouvera ici plus qu’une chanteuse/danseuse du trio initial. Globalement moins fou, Sam capture toujours et encore plus l’attention et se targue de mimiques Mélange de Pop sixties, de rock baroque aux ouvertures théâtrales et excentricités digne des cabarets.

We Are the 21th Century, San Francisco affublé de soucis techniques, Shuggie puis Follow The Leader, Avalon, un fin sur le splendide America, ode à la patrie des garçons malgré l’actualité Tumpienne.

PJ HARVEY – Scène du Fort – 20h30/21h45

Voilà, après des années d’infructueuses tentatives pour la faire revenir, PJ Harvey est enfin de retour à Saint-Malo. LA tête d’affiche du weekend, icône indie et intouchable succube de la musique depuis près de vingt ans et une première pour ma part. Exit les guitares, c’est sur un tempo de marche militaire que ses musiciens (dont on notera les présences de luxe de John Parish et Mick Harvey) apparaissent sur scène. Elle, suivra quelques minutes après une longue introduction instrumentale.Une entrée monacale, , métronomique qui démarre sur les airs du dernier album dont l’Adn imprègne véritablement le plateau. Une ambiance assez étrange, une sensation encore inconnu, sorte d’intrigue musicale à la Bjork suspendant le temps. Peu de mouvement dans la foule, s’impose rapidement un constat de forme de respect du public. Comme celle d’écouter une papesse sonore revenue enfin en terre promise. Qui osera bouger une oreille devant PJ la gorgone de Yeovil ?

Décrire un set de PJ est une tâche ardue tant celui-ci n’est comparable à rien, une sorte de produit de niche qui doit être expérimenter de visu avec son créateur afin d’en comprendre le sens et la forme. Au niveau de la set-list on va retrouver du Chain Of Keys, The Ministry of Defence, The Community Of Hope, Shame, Let England Shake, The Glorious Land, Dear Darkness, White Chalk,The Wheel, Down By Water… Loin de l’époque Let England Shale, le set largement orienté autour de The Hope Six Demolition project émet une autre promesse au public avec des sequences à rallonge et des moments de grace qui côtoient le contemplatif, parfois endormant mais toujours superbes.

 

CAR SEAT HEADREST – Scène du Fort – 22h30/23h20

Après une (trop) longue pause Post-PJ afin de nous remettre de nos émotions et de subvenir à nos besoins primaires de festivaliers moyens venant de se prendre une mandale anglaise dans la cornée.

De nombreuses interrogations entoure la prestation à venir de Car Set Headrest. Découverte de 2016 pour ma part avec un album « Teens Of Denial » recelant assurément de grandes qualités mais dont l’écoute prolongée m’avait laissé sur ma faim. J’avais hâte de découvrir Will Toledo, le petit prodige de Seattle qui compense les critiques sur son manque de charisme par des compositions en totale inadéquation avec son âge et une précocité incroyable.

Ca démarre fort de café, peut être le meilleur mix jusqu’à présent, les guitares sont distordues mais claires et les lignes mélodiques, glissent comme du beurre dans une poil à frire. Genre Pixies, lourdeur qui calme, apaisante, me rappellant les premières prestations encore « adolescentes » des Strokes. Il y’a là aussi une fraicheur indéniable, une volonté d’accepter et de s’imprégner d’une époque bénie que Toledo n’a pu connaître et d’en tirer profit pour se l’accaparer sauce Millenials surdoué. Presque rageant de facilité, le groupe déroule une setlist qui sonnerait presque tubesque sur scène ; Vincent, Fill in the Bank, Maud Gone, Destroyed by Hippie, Drunk Drivers, Beast Monsters la part belle. Le dernier album sonne bien, sonne fort et donne raison aux critiques. Une excellente surprise qui gomme tous les défauts en physique d’une galette qui tends au monochrome.

IDLES – Scène des Remparts – 23h35/00h10

Révélation Punk Anglaise de l’année, récemment invités à partager la scène par Dave Grohl avec les Foo lors de leur show à Londres. Idles, sorti de (presque) nul part m’avait convaincu dès la première écoute de l’album, une première dans le genre depuis la sortie de la première galette de Single Mothers.

Après un Set « cadeau » sur la Grande Scène des Eurockéennes mais en pleine après-midi correct mais avec un cruel manque d’ambiance et un son loin d’être aux petits oignons. J’ai moi même douté des louanges scéniques attribués à la bande à Joe. Dans 5 minutes ces salauds me donneront tord. Démarrage identique à Brutalism avec une introduction musclée qui donne le ton sur Heel/heal, une chose est sûr le son est déjà bien meilleur qu’à Belfort.

Joe Talbot est un hôte de qualité, nous accueillant dans son Air BnB crasseux mais vivant de Bristol et nous chante ce qu’il vit. Communication au top, s’adonnant à des mots doux en français « Ca fucking va ? » La basse vrombit puissamment, les deux guitaristes malmènes leurs instruments comme Maïté assomme ses anguilles. Le band et Talbot déploie un jeu, une rage toute sauf gratuite, des décibels de plaisir d’un genre aisé mais difficilement maitrisable. La rage utile, du Punk Vrai et non pas du Vrai Punk, tel est le crédo d’Idles.

Idles sont les gentlemans anglais que la France va apprendre à adorer, un immanquable près de chez vous. Bientôt dans votre salon à feux et à sang ?

THEE OH SEES -Scène du Fort – 00h15/01h05

Thee Oh Sees, Oh Sees et depuis quelques jours OCS, le groupe californien (encore un !) dont l’existence est le fruit mûr de son leader charismatique et imperturbable John Dwyer, était à notre plus grand plaisir (4ème fois de l’année pour ma part) encore là pour nettoyer lescages à miels. Conducteur du train le plus fou du Garage/Psych/Punk/Psych/theFuckyouWant Band actuel, John accueille son audience dans son traditionnel top à rayures, accompagné de sa SG en acrylique et aluminium raz des épaules. En Stewart de luxe de cette folie, un bassiste et ses deux batteurs live (bien mis en avant) devenus depuis plusieurs mois le fer de lance du nouveau son du groupe lors des shows.

L’offrande de Dwyer à nos oreilles, c’est ces quelques morceaux de Orc (le dernier album en date du groupe) à paraître quelques jours seulement après leur prestation. Le public en prends pour son grade dès l’intro avec Plastic Plant et la vieille perle Tidal Wave. Avec un énorme mixage, différant de celui qu’on avait pu entendre en salle deux mois avant, une voix plus en avant et une basse impressionnante, le son Oh Sees prends des airs Jupitériens (pire que Macron!) . La baffe est monumentale encore une fois, ça enchaîne Toe Cutter/Thumb Blaster puis le nouveau Animated Violence qui sidère l’audience (« putain c’est quoi cette track ?!) entends-je non loin de moi, idem pour Static God. Le set est trop court… 50 minutes de Dwyer c’est comme un Tarantino qui durerait 1h30 entrecoupé de pubs sur TF1 un dimanche soir d’été, un enfer de Dante 2.0. On fini dans le chaos sur le jam (trop) habituel de Contraption/Soul Desert (pas forcément le meilleur moment du set à mon humble avis) mais soit…La barre est toujours aussi haute (Sergei Bubka level c’est dire).

HELENA HAUFF – Scène des Remparts 01h20/02h40

Le Set des Oh Sees à peine fini, une jeune allemande commence à prendre ses marques sur la scène juste en face. Helena Hauff dont on avait loupé le set aux Eurock’ cette année débarque à l’heure. Une heure ou le froid commence à envahir massivement le fort. Celui-ci aura d’ailleurs la peau de nombreux festivaliers et légitimera l’absence des simples réfractaires à l’éléctro. En cache-nez et gilet de « saison », c’est donc équipée contrairement à ma pauvre pomme grelottante que la jeune productrice en vogue démarre calmement un set minimaliste de plus d’une heure.

Platines en visu, concentrée et sans gestes inutiles, elle est l’antithèse même de cette génération EDM festive et mobile. Après avoir eu du mal à rentrer dedans, on prends ses marques dans l’univers techno sombre et industriellement new-wave de la belle. Comme une folle envie de grimper un rideau de fer d’EBM glacial, idéal au vu des conditions météos. Une présence indéniable se dégage de la scène malgré ses disparations soudaines afin de faire le tri dans sa boîte à troubadour Berlinoise et de sélectionner avec attention la prochaine galette noire, toujours plus sombre. Un excellent choix de programmation qui contraste parfaitement avec le reste de l’ambiance de cette journée.

DJ SHADOW – Scène du Fort – 02h45-03h45

Qu’on se le dise, DJ Shadow reste un virtuose des platines et une figure emblématique de la scène electro des années 90′. « Entroducing » son chef d’oeuvre qui vient tout juste de bénéficier d’une récente réédition reste un objet sonore culte dans le genre hip-hop/expérimental. S’il n’a rien perdu de ses qualités techniques, forcé de constater qu’il existe une attractivité déclinante autour de lui depuis les années 2010′ (et ceci malgré l’intéressant The Mountain Will Fall). Avec un set plus visuel que sonore, on a eu un peu de mal à cette heure avancée de la nuit à rentrer dans le mood du garçon. D’autant plus que le son était largement moins puissant que les brutales décibels ascénés par Helena Hauff juste avant.

Entouré de 3 écrans géants projetant des images d’ambiances associer à de multiples issues de sa discographie, il nous a timidement fait voyagé dans son univers pendant une heure, sans doute conscient de la difficulté d’attirer la foule à cette heure-ci. Sans être transcendant, il a fait son taff à défaut de briller. Il s’en serait sans doute tiré avec plus d’honneurs en passant avant le set d’Helena Hauff nonobstant. Une scénographie moderne et adaptée ne peuvent donc malheureusement combler un mix solo d’un DJ qui se repose à juste titre sur ses lauriers, totems d’une gloire acquise à juste titre mais belle bien passée.

Et nous voilà déjà au bout de cette première journée de l’édition 2017 de La Route du Rock. Sur les rotules et malgré le froid mordant, on a tenu jusqu’au bout de ce petit marathon proche du sans fautes. Une réussite de programmation qui nous fait déjà regretter notre absence à la soirée de la veille à la Nouvelle Vague dont on a encore eu d’excellents échos sur le site (avec les prestations d’Alex Cameron, Allah las et Andy Shauf au sommet paraît-il).